Курс французского языка в четырех томах

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Содержание


Jean giono
Une nuit extraordinaire
Que ma joie demeure (1935).
Marcel aymé
Le passe-muraille
Trois Mousquetaires
Trois Mousquetaires
Le Passe-Muraille (1943)Примечания
Albert camus
Un meurtre
Le jeu d'adam
Eve et le diable
Polyeucte (1643)
Molière (1622-1673)
Tartuffe (1664-1669)
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(Poésies)

JEAN GIONO (né en 1895)

On a parfois voulu réduire JEAN GIONO au rôle de chantre exalté de la
Provence.
Mais l'auteur des Vraies Richesses et du Poids du Ciel est teaucouj)
plus qu'un simple romancier régionaliste. Même si l'on n'est pas d'accord avec
sa philosophie naturiste et son apologie de la civilisation paysanne, il faut bien
reconnaître en lui un prodigieux poète en prose, un inspiré chez qui l'imaêe
affleure en un jaillissement ininterrompu, un écrivain dont la phrase, parfois
pesante, a la saveur d'un lait crémeux...


UNE NUIT EXTRAORDINAIRE

C'était une nuit extraordinaire.

Il y avait eu du vent, il avait cessé, et les étoiles avaient éclaté comme
de l'herbe. Elles étaient en touffes avec des racines d'or, épanouies,
enfoncées dans les ténèbres et qui soulevaient des mottes luisantes de

nuit*.

Jourdan ne pouvait pas dormir. Il se tournait, il se retournait.

«Il fait un clair de toute beauté», se disait-il.
Il n'avait jamais vu ça.

Le ciel tremblait comme un ciel de métal. On ne savait pas de quoi
puisque tout était immobile, même le plus petit pompon d'osier. Ça n'était
pas le vent. C'était tout simplement le ciel qui descendait jusqu'à toucher la
terre, racler les plaines, frapper les montagnes et faire sonner les corridors
des forêts. Après, il remontait au fond des hauteurs.
Jourdan essaya de réveiller sa femme.
«Tu dors?
  • Oui.
  • Mais tu réponds?

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  • Non,
  • Tu as vu la nuit?
  • Non.
  • Il fait un clair superbe.»

Elle resta sans répondre et fit aller un gros soupir, un claqué des lèvres
et puis un mouvement d'épaules comme une qui se défait d'un fardeau.
«Tu sais à quoi je pense?
  • Non.
  • J'ai envie d'aller labourer entre les amandiers.
  • Oui.
  • La pièce, là, devant le portail.
  • Oui.
  • En direction de Fra-Joséphine2.
  • Oh! oui», dit-elle.

Elle bougea encore deux ou trois fois ses épaules et finalement elle se
coucha en plein sur le ventre, le visage dans l'oreiller.

«Mais, je veux dire maintenant», dit Jourdan. Il se leva. Le parquet était
froid, le pantalon de velours glacé. Il y avait des éclats de nuit partout dans
la chambre. Dehors on voyait presque comme en plein jour le plateau et la
forêt Crémone. Les étoiles s'éparpillaient partout.

Jourdan descendit à J'étable. Le cheval dormait debout.

«Ah! dit-il, toi tu sais, au moins. Voilà que tu n'as pas osé te coucher.»

Il ouvrit le grand vantail3. Il donnait directement sur le large du champ.
Quand on avait vu la lumière de la nuit, comme ça, sans vitre entre elle et
les yeux, on connaissait tout d'un coup la pureté, on s'apercevait que la
lumière du fanal4 avec son pétrole, était sale, et qu'elle vivait avec du sang
charbonné.

Pas de lune, oh! pas de lune. Mais on était comme dessous des braises,
malgré ce début d'hiver et le froid. Le ciel sentait la cendre. C'est l'odeur
des écorces d'amandiers et de la forêt sèche.

Jourdan pensa qu'il était temps de se servir du brabant5 neuf. La charrue
avait encore les muscles tout bleus de la dernière foire, elle sentait le
magasin du marchand, mais elle avait l'air volonteuse6 C'était l'occasion ou
jamais. Le cheval s'était réveillé. II était venu jusque près de la porte pour
regarder.

Il y a sur la terre de beaux moments bien tranquilles.

«Si vraiment je l'attends7 parce qu'il doit venir, se dit Jourdan, il arrivera
une nuit comme celle-là.»

Il avait enfoncé le tranchant du contre8 au commencement du champ, en
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tournant le dos à la ferme de Fra-Joséphine et en direction de la forêt
Grémone. Il aimait mieux labourer dans ce sens parce qu'il recevait en
plein nez l'odeur des arbres. C'est le cheval qui, de lui-même, s'était placé
de ce côté.

Il y avait tant de lumière qu'on voyait le monde dans sa vraie vérité, non
plus décharné de jour mais engraissé d'ombre et d'une couleur bien plus
fine. L'œil s'en réjouissait. L'apparence des choses n'avait plus de cruauté,
mais tout racontait une histoire, tout parlait doucement aux sens. La forêt
là-bas était couchée dans le tiède des combes9 comme une grosse pintade
aux plumes luisantes.

«Et, se dit Jourdan, j'aimerais bien qu'il me trouve en train de labourer.»

Depuis longtemps il attendait la venue d'un homme. Il ne savait pas qui.
Il ne savait pas d'où il viendrait. Il ne savait pas s'il viendrait.' Il le désirait
seulement. C'est comme ça que parfois les choses se font et l'espérance
humaine est un tel miracle qu'il ne faut pas s'étonner si parfois elle s'allume
dans une tête sans savoir ni pourquoi ni comment. Le tout c'est qu'après
elle continue à soulever la vie avec ses grandes ailes de velours.

«Moi je crois qu'il viendra», se dit Jourdan. Et puis, c'est bien vrai, la
nuit était extraordinaire. Tout pouvait arriver dans une nuit pareille. Nous
aurions beau temps que l'homme vienne10**.

Que ma joie demeure (1935).

Примечания:

1. Чмоканье, т.е. она причмокнула. — Giono aime employer les adjectifs ou les
participes avec une valeur de substantif (cf. infra: «le large du champ; le tiède des combes»).
Ce sont des tours tout latins. 2. Название соседней фермы. 3. Створка дверей. 4. Фонарь
"летучая мышь". 5. Плуг. 6. Mot de patois pour: volontaire. 7. Я жду человека, который
должен прийти (см. предпоследний абзац). 8. Лемех плуга (слово того же корня, что и
couteau) 9.Ложбин. 10. Хороший повод, чтобы он пришел.

Вопросы:

* Expliquez les images contenues dans cette phrase.

** L'un des ouvrages de Jean Giono s'intitule lie Poids du Ciel. Cette page n'offve-t-elle
pas, elle aussi, un exemple de poésie véritablement
cosmique?

MARCEL AYMÉ (1902-1967)

marcel AYMÉ est un conteur-né. Chez lui, le passage du réel au mer-veilleux
s'opère spontanément. Mais son esprit malicieux se plaît surtout à imaginer


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quels bouleversements le fantastique introduirait dans notre vie quotidienne si
d'un instant à l'autre, il y devenait réalité.


LE PASSE-MURAILLE

Un modeste fonctionnaire de 43 ans, Dutilleul, s'est brusquement découvert le don de
passer à travers les murailles. Il en profite d'abord four mystifier un sous-chef de bureau
qui l'avait humilié. Puis, mis en goût par ce premier succès,il s'enhardit et se fait
cambrioleur.


Le premier cambriolage auquel se livra Dutilleul eut lieu dans un grand
établissement de crédit de la rive droite. Ayant traversé une douzaine de
murs et de cloisons, il pénétra dans divers coffres-forts, emplit ses poches
de billets de banque et, avant de se retirer, signa son larcin à la craie rouge,
du pseudonyme1 de Garou-Garou, avec un fort joli paraphe2 qui fut
reproduit le lendemain par tous les journaux. Au bout d'une semaine, ce
nom de' Garou-Garou connut une extraordinaire célébrité. La sympathie du
public allait sans réserve à ce prestigieux cambrioleur qui narguait si
joliment la police. Il se signalait chaque nuit par un nouvel exploit
accompli soit au détriment d'une banque, soit à celui d'une bijouterie ou
d'un riche particulier. A Paris comme en province, il n'y avait point de
femme un peu rêveuse qui n'eût le fervent désir d'appartenir corps et âme
au terrible Garou-Garou. Après le vol du fameux diamant de Burdigala et
le cambriolage du Crédit municipal, qui eurent lieu la même semaine,
l'enthousiasme de la foule atteignit au délire. Le ministre de l'Intérieur dut
démissionner, entraînant dans sa chute le ministre de l'Enregistrement'.
Cependant, Dutilleul, devenu l'un des hommes les plus riches de Paris, était
toujours ponctuel à son bureau et on parlait de lui pour les palmes
académiques4. Le matin, au ministère de l'Enregistrement, son plaisir était
d'écouter les commentaires que faisaient les collègues sur ses exploits de la
veille. «Ce Garou-Garou, disaient-ils, est un homme formidable, un
surhomme, un génie.» En entendant de tels éloges, Dutilleul devenait rouge
de confusion et, derrière le lorgnon à chaînette, son regard brillait d'amitié
et de gratitude. Un jour, cette atmosphère de sympathie le mit tellement en
confiance qu'il ne crut pas pouvoir garder le secret plus longtemps. Avec
un reste de timidité, il considéra ses collègues groupés autour d'un journal
relatant le cambriolage de la Banque de France, et déclara d'une voix
modeste: «Vous savez, Garou-Garou, c'est moi.» Un rire énorme et
interminable accueillit la confidence de Dutilleul.qui reçut, par dérision, le
surnom de Garou-Garou. Le soir, à l'heure de quitter le ministère, il était
l'objet de plaisanteries sans fin de la part de ses camarades et la vie lui
semblait moins belle*.

Quelques jours plus tard, Garou-Garou se faisait pincer5 par une ronde
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de nuit dans une bijouterie de la rue de la Paix. Il avait apposé sa signature
sur le comptoir-caisse et s'était mis à chanter une chanson à boire en
fracassant différentes vitrines à l'aide d'un hanap6 en or massif. Il lui eût été
facile de s'enfoncer dans un mur et d'échapper ainsi à la ronde de nuit7,
mais tout porte à croire qu'il voulait être arrêté, et probablement à seule fin
de confondre ses collègues dont l'incrédulité l'avait mortifié. Ceux-ci, en
effet, furent bien surpris, lorsque les journaux du lendemain publièrent en
première page la photographie de Dutilleul. Ils regrettèrent amèrement
d'avoir méconnu leur génial camarade et lui rendirent hommage en se
laissant pousser une petite barbiche8. Certains même, entraînés par le
remords et l'admiration, tentèrent de se faire la main sur le portefeuille ou
la montre de famille de leurs amis et connaissances**.

On jugera sans doute que le fait de se laisser prendre par la police pour
étonner quelques collègues témoigne d'une grande légèreté, indigne d'un
homme exceptionnel, mais le ressort apparent de la volonté est fort peu de
chose dans une telle détermination. En renonçant à la liberté, Dutilleul
croyait céder à un orgueilleux désir de revanche, alors qu'en réalité il
glissait simplement sur la pente de sa destinée. Pour un homme qui passe à
travers les murs, il n'y a point de carrière un peu poussée s'il n'a tâté au
moins une fois de la prison. Lorsque Dutilleul pénétra dans les locaux de la
Santé9, il eut l'impression d'être gâté par le sort. L'épaisseur des murs était
pour lui un véritable régal. Le lendemain même de son incarcération, les
gardiens découvrirent avec stupeur que le prisonnier avait planté un clou
dans le mur de sa cellule et qu'il y avait accroché une montre en oj
appartenant au directeur de la prison. Il ne put ou ne voulut révéler
comment cet objet était entré en sa possession. La montre fut rendue à son
propriétaire et, le lendemain, retrouvée au chevet de Garou-Garou avec le
tome premier des Trois Mousquetaires10 emprunté à la bibliothèque du
directeur. Le personnel de la Santé était sur. les dents". Les gardiens se
plaignaient en outre de recevoir des coups de pied dans le derrière, dont la
provenance était inexplicable. Il semblait que les murs eussent, non plus
des oreilles, mais des pieds. La détention de Garou-Garou durait depuis
une semaine, lorsque le directeur de la Santé, en pénétrant un matin dans
son bureau, trouva sur sa table la lettre suivante:

«Monsieur le directeur. Me reportant à notre entretien du 17 courant et,
pour mémoire12 à vos instructions générales du 15 mai de l'année dernière,
j'ai l'honneur de vous informer que je viens d'achever la lecture du second
tome des Trois Mousquetaires et que je compte m'évader cette nuit entre
onze heures vingt-cinq et onze heures trente-cinq. Je vous prie, monsieur le
directeur, d'agréer l'expression de mon profond respect. GAROU-GAROU.»

Malgré l'étroite surveillance dont il fut l'objet cette nuit-là, Dutilleul
s'évada à onze heures trente. Connue du public le lendemain matin, la

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nouvelle souleva partout un enthousiasme magnifique. Cependant, ayant
effectué un nouveau cambriolage qui rnit le comble à sa popularité.
Dutilleul semblait peu soucieux de se cacher et circulait à travers
Montmartre sans aucune précaution. Trois jours après son évasion, il fui
arrêté rue Caulaincourt au café du Rêve, un peu avant midi, alors qu'il
buvait un vin blanc citron avec des amis.

Reconduit à la Santé et enfermé au triple verrou dans un cachot
ombreux, Garou-Garou s'en échappa le soir même et alla coucher
à l'appartement du directeur, dans la chambre d'ami. Le lendemain matin,
vers neuf heures, il sonnait la bonne pour avoir son petit déjeuner et se
laissait cueillir au lit, sans résistance, par les gardiens alertés. Outré, le
directeur établit un poste de garde à la porte de son cachot et le rnit au pain
sec. Vers midi, le prisonnier s'en fut déjeuner dans un restaurant voisin de
la prison et, après avoir bu son café, téléphona au directeur.

«Allô! Monsieur le directeur, je suis confus, mais tout à l'heure, au
moment de sortir, j'ai oublié de prendre votre poitefeuille, de sorte que je
me trouve en panne13 au restaurant. Voulez-vous avoir la bonté d'envoyer
quelqu'un pour régler l'addition***?»

Le Passe-Muraille (1943)
Примечания:


I. Псевдоним, обозначающий "оборотень". 2. Росчерк, которым заканчивается
подпись. 3. Вымышленное министерство, в котором в скромной должности служил
герой рассказа. 4"Академические пальмы", почетная награда за заслуги в области
литературы и искусства. Во Франции эта награда зачастую воспринимается весьма
насмешливо. 5. Схватить, сцапать. 6 Старинный кубок. 7. Ночной полицейский об-
ход. 8. Герой рассказа носит бородку 9 Знаменитая парижская тюрьма Came. 9 Ро-
ман Александра Дюма. 10. Валился с ног от усталости. 11. Бухгалтерский термин,
означающий, что такая-то статья включена в счетный документ только для справки.
Здесь, имея в виду. 12 Морской термин, означающий "лежать в дрейфе". Означаем
также "потерпеть аварию" (автомобильную, авиа) или "сидеть на мели" (без денег).

Вопросы:

* Eludiez le caractère de Dutilleul, tel qu'il se manifeste dans cette, page.

** N'v a-t-il pas dans cette phrase (et aussi dans les deux ou trois suivantes) une -pointe
de
malice voire de satire?

*** Est-ce par hasard que les personnages tournés en dérision par Dutilleul
appartiennent soit à
l'administration, soit à la police?

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ALBERT CAMUS (1913-1960)

L'ŒUVRE D'ALBERT CAMUS est encore peu volumineuse. Mais elle est fort
diverse, et surtout elle -possède une rare densité. Plus que par son contenu,
peut-être, elle semble valoir par son accent, par sa tension, par la vertu d'un
style poétique et pourtant d'une infaillible netteté.


UN MEURTRE

Meursault, le narrateur, est allé passer la journée sur une plage en compagnie de
Raymond. Celui-ci a eu une altercation avec un Arabe, qui l'a blessé d'un coup de couteau.
Avant de repartir, il a confié son revolver à Meursault, lequel, épuisé par la chaleur, se met
à la recherche d'un endroit ombragé.


Je voyais de loin la petite masse sombre du rocher entourée d'un halo
aveuglant par la lumière et la poussière de mer. Je pensais à la source
fraîche derrière le rocher. J'avais envie de retrouver le murmure de son eau,
envie de fuir le soleil, l'effort et les pleurs de femme, envie enfin de
retrouver l'ombre et son repos. Mais quand j'ai été plus près, j'ai vu que le
type de Raymond1 était revenu.

Il était seul. Il reposait sur le dos, les mains sous la nuque, le front dans
les ombres du rocher, tout le corps au soleil. Son bleu de chauffe" fumait
dans la chaleur. J'ai été un peu surpris. Pour moi, c'était une histoire finie et
j'étais venu là sans y penser.

Des qu'il m'a vu, il s'est soulevé un peu et a mis la main dans sa poche.
Moi, naturellement, j'ai serré le revolver de Raymond dans mon veston.
Alors de nouveau, il s'est laissé aller en arrière, mais sans retirer la main de
sa poche. J'étais assez loin de lui, à une dizaine de mètres. Je devinais son
regard par instants, entre ses paupières mi-closes. Mais le plus souvent, son
image dansait devant mes yeux dans l'air enflammé. Le brait des vagues
était encore plus paresseux, plus étale' qu'à midi. C'était le même soleil, la
même lumière sur le même sable qui se prolongeait ici. Il y avait déjà deux
heures que la journée n'avançait plus, deux heures qu'elle avait jeté l'ancré
dans un océan de métal bouillant. A l'horizon, un petit vapeur est passé et
j'en ai deviné la tache noire au bord de mon regard, parce que je n'avais pas
cessé de regarder l'Arabe.

J'ai pensé que je n'avais qu'un demi-tour à faire et ce serait fini. Mais
toute une plage vibrante de soleil se pressait derrière moi. J'ai fait quelques
pas vers la source. L'Arabe n'a pas bougé. Malgré tout, il était encore assez
loin. Peut-être à cause des ombres sur son visage, il avait l'air de rire. J'ai

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attendu. La brûlure du soleil gagnait mes joues et j'ai senti des gouttes de
sueur s'amasser dans mes sourcils. C'était le même soleil que le jour où
j'avais enterré maman et, comme alors, le front surtout me faisait mal et
toutes ses veines battaient ensemble sous la peau. A cause de cette brûlure
que je ne pouvais plus supporter, j'ai fait un mouvement en avant. Je savais
que c'était stupide, que je ne me débarrasserais pas du soleil en me
déplaçant d'un pas. Mais j'ai fait un pas, un seul pas en avant. Et cette fois,
sans se soulever, l'Arabe a tiré son couteau qu'il m'a présenté dans le soleil.
La lumière a giclé sur l'acier et c'était comme une longue lame étincelante
qui m'atteignait au front. Au même instant, la sueur amassée dans mes
sourcils a coulé d'un coup sur les paupières et les a recouvertes d'un voile
tiède et épais. Mes yeux étaient aveuglés derrière ce rideau de larmes et de
sel. Je ne sentais plus que les cymbales du soleil sur mon front et, indistinc-
tement, le glaive éclatant jailli du couteau toujours en face de moi. Cette
épée brûlante rongeait mes cils et fouillait mes yeux douloureux. C'est
alors que tout a vacillé. La mer a charrié un souffle épais et ardent. Il m'a
semblé que le ciel s'ouvrait sur toute son étendue pour laisser pleuvoir du
feu*. Tout mon être s'est tendu et j'ai crispé ma main sur le revolver. La
gâchette a cédé, j'ai touché le ventre poli de la crosse et c'est là, dans le
bruit à la fois sec et assourdissant, que tout a commencé. J'ai secoué la
sueur et le soleil. J'ai compris que j'avais détruit l'équilibre du jour, le
silence exceptionnel d'une plage où j'avais été heureux. Alors, j'ai tiré
quatre fois sur un corps inerte où les balles s'enfonçaient sans qu'il y parût.
Et c'était comme quatre coups brefs que je frappais sur la porte du mal-
heur**.

L'Étranger (1942).

Примечания:

1. Араб, который ранил Ремона. Слово type употреблено здесь в разговорном зна-
чении. 2. Синий шоферский комбинезон. 3. Спокойное море, штиль. Т.е. шум волн
был ленивей и спокойней...

Вопросы:

* La scène se passe sur une plage d'Afrique du Nord: comment l'impression de chaleur
et de lumière est-elle rendue dans cette page?

** L'assassin vous semble-t-il totalement coupable? — Voyez-vous pourquoi l'écrivain
l'a appelé «
l'Étranger »?

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XV. Театр во Франции

Театр зародился во Франции в средние века. Произошло это тогда,
когда литургическая драма слишком разрослась для того, чтобы ее
можно было продолжать разыгрывать в церкви, и она переместилась
на паперть (XII в.) Тогда она была представлена такими разновидно-
стями как "игра", "чудо", а впоследствии "мистериями", которые
объединяла одна черта: все они имели религиозный характер. Но
вскоре в отдельный жанр выделилась комедия; комедий было много,
и во всяком случае одна из них "Фарс о Патлене" (XV в.) до сих пор
не утратила остроты и пикантности.

Возникновение гуманизма определило поворот в истории француз-
ского театра: авторы — к примеру, Робер Гарнье — обратили свое
внимание на великих драматургов греко-латинской античности, а тео-
ретики, такие как Скалижер и Воклен де ла Френе, разработали поло-
жения доктрины, подготовившей появление классической трагедии, в
основе которой лежит нравственная проблема, разрешаемая в жестких
рамках трех единств — единства места, времени и действия. Теперь
оставалось ждать явления гения, чтобы выразить эту новую направ-
ленность драматургии. Им стал Корнель со своим "Сидом" (1636). Но
достоинства Корнеля отнюдь не принижают значения ни Мольера,
создавшего великие комедии нравов и положений, ни Расина, кото-
рый доселе непревзойденным образом сумел соединить в своих траге-
диях сценичность, подлинность человеческих характеров и волшеб-
ную поэзию.

Наш чрезмерно философский XVIII век не дал ни одного великого
драматурга. Исключение, быть может, составляет Мариво, автор не-
сомненно оригинальный, но по широте значительно уступающий
Мольеру. Тем не менее необходимо отметить усилия некоторых писа-
телей отыскать с помощью новых форм способы обновления фран-
цузской сцены; так Дидро предпринял попытку соединить трагедию и
комедию, создав так называемую буржуазную драму (к сожалению, и
"Побочный сын", и "Отец семейства" оказались не слишком убеди-
тельными иллюстрациями этой пробы обновления), а Бомарше, желая

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оживить драму, внес в нее некий революционный элемент.

Должна была наступить эпоха романтизма, чтобы театр обрел
нашей литературе свое традиционное значение. Представители моло
дого романтического направления опубликовали шумные манифесты
такие как "Расин и Шекспир" Стендаля (1823) и "Предисловие к
"Кромвелю" Виктора Гюго (1827). Происходили знаменитые "сраже-
ния" зрителей, самое известное из которых случилось на премьере
"Эрнани" (1830). Но известно, сколь эфемерен был триумф романти
ческих новаторов: в 1843 г. "Бургграфы"' с шумом провалились, меж
тем как неоклассицистическая "Лукреция" Понсара была вознесена до
небес и публикой, и критиками...

Дата эта исключительно важна, так как определяет своего рода
развод между большими писателями и театром, который на протяже-
нии нескольких поколений стал сферой деятельности профессионалов
второго сорта. И разделение это кончилось, только когда великий поэт
Поль Клодель стал создавать пьесы, в которых дыхание поэзии смело
мелкие ухищрения, присущие драматургам-ремесленникам. После
него Жюль Ромен, Жироду, Мориак, Монтерлан, Сартр. Камю сумели
доказать, что во Франции есть еще место театру, где ставят пьесы по-
настоящему глубокие, прекрасно сделанные и мастерски написанные.

Нельзя было бы представить историю современного театра, не oт-
метив воздействия, которое оказывают великие режиссеры на драма-
тургов.

Мелочный реализм Антуана вызвал реакцию Жака Копо, директо-
ра театра "Старая голубятня" (Vieux-Colombier). Его усилия в созда-
нии новой эстетики, где сценическое оформление будет скорей под-
сказывать, внушать, чем навязывать, родственны исканиям Стани-
славского в России, Рейнхардта в Германии, Гранвилла Баркера в
Англии. Режиссеры "Картеля" (Жуве, Дюллен, Бати, Питоеф) под-
хватили эту традицию, и такие авторы как Жюль Ромен и Жироду ра-
ботали в тесном сотрудничестве с ними. Сейчас намечается обратная
реакция, некая разновидность идеологического реализма, который
пока еще не сумел вполне эффективно проявиться.

LE JEU D'ADAM (FIN DU XIIe SIÈCLE)

C'EST un des plus anciens monuments de l'art dramatique français. Écrit en
langue vulgaire, à la différence des drames liturgiques (écrits, eux, en latin), il
comprend trois parties: la chute d'Adam et Eve, l'assassinat d'Abel par Caïn,
l'annonce -par les -prophètes de la venue du Messie. On trouvera ici la scène
de la tentation d'Eve -par le Malin.


EVE ET LE DIABLE (Scène mise en français moderne.)

LE DIABLE. — Eve, je suis venu te trouver.

EVE. —Toi, Satan? Pourquoi, dis-moi?

LE DIABLE. — Je vais cherchant ton profit, ton honneur.

EVE. —Puisse Dieu me les donner!

LE DIABLE. — N'aie pas peur. Il y a longtemps que je sais tous les
secrets du Paradis. Une partie je t'en dirai.

EVE. — Hé bien, commence, et j'écouterai.

LE DIABLE. —Tu m'écouteras?

eve. — Oui, certes, en rien je ne te fâcherai.

LE DIABLE. — Me garderas-tu le secret?

EVE. — Oui, par ma foi.

LE DIABLE. —Une sera pas révélé?

EVE. —Non, pas par moi.

LE diabi E. — Hé bien, je me fierai à toi. Je ne veux pas de toi d'autre
garantie.

EVE. — Tu peux te fier à ma parole.

LE DIABLE. — Tu as été à bonne école. J'ai vu Adam, mais il était bien
sot.

EVE. — II est un peu grossier.

LE DIABLE. — II s'amollira. Il est plus grossier que l'enfer.

EVE. — C'est un homme libre.

LE DIABLE. — Non, c'est un véritable esclave. Il ne veut pas prendre
soin de ses intérêts. Qu'il prenne au moins soin des tiens. Tu es faiblette et
tendre chose; tu es plus fraîche que n'est rosé, tu es plus blanche que
cristal, que neige qui tombe sur glace en la vallée. C'est un mauvais couple
qu'a fait de vous le Créateur. Tu es si tendre et lui si grossier! Cependant tu

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es plus sage; en grande sagesse tu as mis ton cœur; aussi fait-il bon
s'adresser à toi. Je veux te parler.

EVE. — Aie confiance.

LE DIABLE. — Que personne ne le sache.

EVE. — Qui pourrait le savoir?

LE DIABLE. — Pas même Adam...

EVE. — Non certes, pas par moi.

LE DIABLE. — Hé bien, je te le dirai. Toi, écoute-moi. D n'y a que nous
deux sur ce chemin. Adam est là-bas, il ne nous entend pas.

EVE. — Parle tout haut: il n'en saura pas un mot.

LE DIABLE. — Je vous avertis d'un grand piège qui vous est tendu dans
ce jardin. Le fruit que Dieu vous a donné n'a guère de qualité; celui qu'il
vous a tant défendu a grande vertu. En lui est grâce de la vie, de la
puissance, de la seigneurie, de toute science, du bien comme du mal.

EVE. — Quel goût a-t-il?

LE DIABLE. — Céleste. A ton beau corps, à ton visage, conviendrait un
sort tel qu'il te ferait reine de l'univers, du ciel et de l'enfer, et que tu
pourrais être maîtresse de tout au monde.

EVE. — Le fruit est tel?

LE DIABLE. — Oui, en vérité.

EVE. — (Alors Eve regardera attentivement le fruit défendu, disant
après l'avoir longtemps regardé
.') Sa seule vue me fait du bien.

LE DIABLE. — Alors, si tu le manges, quelle sera ta puissance!

EVE. — Qu'est-ce que j'en sais?

LE DIABLE. — Tu ne me croiras donc pas? Prends-le d'abord, puis
à Adam le donne. Du ciel vous aurez l'éternelle couronne. Au Créateur
vous serez pareils. Il ne pourra vous cacher son secret. Quand vous aurez
mangé du fruit, à jamais le cœur vous sera changé. Avec Dieu vous serez,
sans défaillance. Vous aurez même bonté, même puissance. Goûte au fruit.

EVE. — Je n'ose.

LE DIABLE. — Ne crois pas Adam.

EVE. — Soit, je le ferai.

LE DIABLE. — Quand?

EVE. — Attends qu'Adam soit à l'écart.

LE DIABLE. — Mange-le. N'aie crainte. Tarder serait un enfantillage*.

346

Вопросы:

* Trouvez-vous dans cette scène les premiers éléments d'une étude psychologique de la
tentation... et de la femme f


CORNEILLE (1606-1684)

AVANT que la rigueur classique eût définitivement séparé le genre tragique et
le genre comique, CORNEILLE sut briller dans les deux à la fois et même, avec
Le Cid (1636), créer cette tragi-comédie que, beaucoup plus tard, les Roman-
tiques, enivrés de Shakespeare, rêveront en vain de réaliser. C'est que le génie
cornélien est un génie complet, capable de s'adapter à toutes les exigences du


théâtre.

La scène que nous empruntons à Polyeucte (1643) prouve, précisément, que
Corneille n'est pas seulement un poète du sublime, mais qu'il sait être aussi un
peintre de l'amour.D'un amour, il est vrai, toutinspiré de l'idéal précieux, c'est-
à-dire fondé essentiellement sur l'estime, ou même sur l'admiration.


POLYEUCTE (1643)

Pauline, mariée contre son gré à Polyeucte. est restée éprise de Sévère. Celui-ci, qui
s'est couvert de gloire sur les champs de bataille, vient' lui rendre visite dans l'espoir de
reconquérir celle que, ie son côté, il n'a jamais cessé d'aimer.


PAULINE

Oui, je l1 aime, seigneur, et n'en fais point d'excuse;
Que tout autre que moi vous flatte et vous abuse,
Pauline a l'âme noble et parle à cœur ouvert.
Le bruit de votre mort3 n'est point ce qui vous perd;
Si le Ciel en mon choix eût mis mon hyménée,
A vos seules vertus je me serais donnée,
Et toute la rigueur de votre premier sort4
Contre votre mérite eût fait un vain effort.
Je découvrais en vous d'assez illustres marques5
Pour vous préférer même aux plus heureux monarques;
Mais puisque mon devoir m'imposait d'autres lois,
De quelque amant pour moi que mon père eût fait choix,
Quand à ce grand pouvoir que la valeur vous donne
Vous auriez ajouté l'éclat d'une couronne,
Quand je vous aurais vu, quand je l'aurais haï,

347

J'en aurais soupiré, mais j'aurais obéi,

Et sur mes passions ma raison souveraine*

Eût blâmé mes soupirs et dissipé ma haine.

SÉVÈRE

Que vous êtes heureuse, et qu'un peu de soupirs
Fait un aisé remède à tous vos déplaisirs!
Ainsi de vos désirs toujours reine7 absolue,
Les plus grands changements vous trouvent résolue;
De la plus forte ardeur8 vous portez vos esprits
Jusqu'à l'indifférence et peut-être au mépris;
Et votre fermeté fait succéder sans peine
La faveur au dédain, et l'amour à la haine.

Qu'un peu de votre humeur ou de votre vertu9
Soulagerait les maux de ce10 cœur abattu!
Un soupir, une larme à regret épandue

M'aurait déjà guéri de vous avoir perdue;

Ma raison pourrait tout sur l'amour affaibli

Et de l'indifférence irait jusqu'à l'oubli;

Et mon feu" désormais se réglant sur le vôtre,

Je me tiendrais heureux entre les bras d'une autre.

О trop aimable12 objet, qui m'avez trop charmé,

Est-ce là comme on aime, et m'avez-vous aimé?

PAULINE

Je vous l'ai trop fait voir, seigneur; et si mon âme
Pouvait bien étouffer les restes de sa flamme,
Dieux, que j'éviterais de rigoureux tourments13!
Ma raison, il est vrai, dompte mes sentiments;
Mais quelque autorité que sur eux elle ait prise,
Elle n'y règne pas, elle les tyrannise14;
Et quoique le dehors soit sans émotion,
Le dedans n'est que trouble et que sédition.
Un je ne sais quel charme encor vers vous m'emporte**
Votre mérite est grand, si ma raison est forte:
Je le vois, encor tel qu'il alluma mes feux,
D'autant plus puissamment solliciter mes vœux
Qu'il est environné de puissance et de gloire,
Qu'en tous lieux après vous il traîne la victoire,

348

Que j'en sais mieux le prix, et qu'il n'a point déçu
Le généreux15 espoir que j'en16 avais conçu.
Mais ce même devoir qui le vainquit dans Rome,
Et qui me range ici dessous17 les lois d'un homme,
Repousse encor si bien l'effort de tant d'appas18
Qu'il déchire mon âme et ne l'ébranlé pas.
C'est cette vertu même, à nos désirs cruelle,
Que vous louiez alors en blasphémant contre elle:
Plaignez-vous-en encor; mais louez sa rigueur,
Qui triomphe à la fois de vous et de mon cœur;
Et voyez qu'un devoir moins ferme et moins sincère •
N'aurait pas mérité l'amour du grand Sévère***.

SÉVÈRE

Ah! madame, excusez une aveugle douleur,
Qui ne connaît plus rien que l'excès du malheur:
Je nommais inconstance et prenais pour un crime
De ce juste devoir l'effort le plus sublime.
De grâce, montrez moins à mes sens désolés
La grandeur de ma perte et ce que vous valez;
Et, cachant par pitié cette vertu si rare,
Qui redouble mes feux lorsqu'elle nous sépare,
Faites voir des défauts qui puissent à leur tour
Affaiblir ma douleur avecque19 mon amour.

PAULINE

Hélas! cette vertu, quoique enfin" invincible,
Ne laisse que trop voir une âme trop sensible.
Ces pleurs en sont témoins, et ces lâches soupirs
Qu'arrachent de nos feux les cruels souvenirs:
Trop rigoureux effets d'une aimable présence
Contre qui mon devoir a trop peu de défense!
Mais si vous estimez ce vertueux devoir,
Conservez-m'en la gloire, et cessez de me voir;
Épargnez-moi des pleurs qui coulent à ma honte:
Épargnez-moi des feux qu'à regret je surmonte;
Enfin épargnez-moi ces tristes entretiens,
Qui ne font qu'irriter21 vos tourments et les miens.

349

SÉVÈRE
Que je me prive ainsi du seul bien qui me reste !

PAULINE
Sauvez-vous d'une vue à tous les deux funeste.

SÉVÈRE
Quel prix22 de mon amour! quel fruit de mes travaux!

PAULINE
C'est le remède seul" qui peut guérir nos maux.

SÉVÈRE
Je veux mourir des miens: aimez-en la mémoire.

PAULINE
Je veux guérir des miens: ils souilleraient ma gloire24.

SÉVÈRE

Ah ! puisque votre gloire en prononce l'arrêt,
II faut que ma douleur cède à son intérêt.
Est-il rien que sur moi cette gloire n'obtienne? *
Elle me rend les soins que je dois à la mienne.
Adieu: je vais chercher au milieu des combats
Cette immortalité que donne un beau trépas
Et remplir dignement, par une mort pompeuse" ,
De mes premiers exploits l'attente avantageuse26,
Si toutefois, après ce coup mortel du sort,
J'ai de la vie assez pour chercher une mort.

PAULINE

Et moi, dont votre vue augmente le supplice,
Je l'éviterai même en votre sacrifice;
Et seule dans ma chambre, enfermant mes regrets,
Je vais pour vous aux dieux faire des vœux secrets.

SÉVÈRE

Puisse le juste Ciel, content27 de ma mine,
Comblei: d'heur28 et de jours Polyeucte et Pauline!

350

PAULINE

Puisse trouver Sévère, après tant de malheur,
Une félicité digne de sa valeur!

SÉVÈRE
IL la trouvait en vous.

PAULINE
Je dépendais d'un père.

SÉVÈRE

О devoir qui me perd et qui me désespère!
Adieu, trop vertueux objet29 et trop charmant****.

PAULINE
Adieu, trop malheureux et trop parfait amant*****.

Acte II, se. II.

Примечания:

1. Полиевкта. 2. Льстит, обманывая. 3. Разошелся слух о смерти Севера. 4 Север,
прежде чем прославиться на полях сражения на востоке, был беден и никому не из-
вестен. 5. Признаки, черты. 6. Полиевкта. 7. Reine se rapporte à vous, du vers suivant.
8. Любовный пыл. 9. Душевной твердости. 10. Ce cœur: mon cœur. 11 Любовь 12. На-
иболее достойный любви. 13. Жестоких мук. 14. Подчиняет насильно 15. Благород-
ную. 16. Ваше достоинство. 17. Archaïque pour sous 18 Чар, очарования. 19 Ortho-
graphe déjà vieillie à l'époque de Corneille. 20. Окончательно. 21. Усиливать. 22. Награ-
да. 23. Le seul remède. 24. Мою честь. 25. Славную. 26. Возвышенную надежду, кото-
рую породили мои первые подвиги. 27. Удовлетворясь моей гибелью. 28. Счастье,
блаженство. 29. Здесь: предмет любви.

Вопросы:

* Formule toute cornélienne: en quoi?
** Pourquoi a-t-on pu dire que ce vers était
« raciaien »?

*** L'attitude de Pauline n'est-elle pas à rapprocher de celles de Chimène et de
Rodrigue, chez qui l'amour grandit à la mesure de l'énergie manifestée par le partenaire?
**** Étudiez le
vocabulaire précieux tout au long de cette scène.
* **** Montrez que la scèw. s'achève en un
duo lyrique.

351

MOLIÈRE (1622-1673)

BOILEAU reprochait a l'auteur du Misanthrope d'être aussi celui de\
Fourberies de Scapin. Moins étroits dans nos goûts, nous serions plutôt tentée
aujourd'hui d'admirer un créateur aussi bien doué pour la simple farce que
pour la grande comédie de caractères, et, le cas échéant, assez habile poui
unir ces deux genres de comique à l'intérieur d'une même pièce...
La célèbre scène du «pauvre homme», extraite de Tartuffe, nous offre un
exemple saisissant de ce double aspect du génie de MOLIÈRE, qui, tout en non-,
faisant rire par le jeu des questions et des exclamations répétées d'Orgon, nou\
permet en même temps de saisir la stupidité d'un personnage littéralement
possédé.


TARTUFFE (1664-1669)

Orgon, qui est allé pendant quelques jours à la campagne, revient chez lui et s'informe