Stendhal

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n point de perfection cette euthanasie littйraire. Clйlia "ne survйcut que de quelques mois а ce fils si chйri mais elle eut la douceur de mourir dans les bras de son ami". Trop amoureux et trop croyant pour avoir recours au suicide, car il espиre "retrouver Clйlia dans un meilleur monde", Fabrice se retire а la chartreuse de Parme mais ny passe quune annйe. Gina, devenue comtesse Mosca, rйunit toutes les apparences de bonheur mais de survit que fort peu de temps а Fabrice. Et cest la conclusion fameuse du roman : "Les prisons de Parme йtaient vides, le comte immensйment riche, Ernest V adorй de ses sujets qui comparaient son gouvernement а celui du prince Eugиne."

Tout continue. La mort engendre la vie. Peut-кtre le monde marche-t-il vers plus de bonheur. La tragйdie se termine comme une histoire de fйes douce-amиre, а mi-chemin de la nostalgie et de lironie. Voilа comment sans кtre dupe, le romancier sublime la rйalitй et perpйtue par un chef-doeuvre la destinйe de ses hйros.

En supprimant ainsi de sa crйation la mort dans ce quelle a dhorrible а ses yeux, Stendhal supprime du mкme coup une autre ennemie : la vieillesse. Julien, Fabrice, Octave, Clйlia, Mme de Rйnal meurent а la fleur de lвge, dans tout lйclat de leur jeunesse et de leur beautй, quand leur amour est а son zйnith. Ils ne connaоtront ni lusure de la passion ni le naufrage de la vieillesse. Une vieillesse qui au dйbut du XIXe siиcle commence а cinquante ans et mкme avant pour les femmes : il suffit, pour sen convaincre, de relire par exemple La Femme de trente ans de Balzac.

On comprend que Stendhal qui met Shakespeare au-desus de tout, nourrisse une tendresse particuliиre pour Romйo et Juliette : cette histoire damour fou atteint un point de perfection dans la mesure prйcisйment oщ les hйros sont frappйs en pleine jeunesse, au paroxysme dune passion qui, par suite de leur diaparition mкme, restera intacte йternellement, miraculeusement prйservйe des injures du temps. Cest lamour et la mort qui vont ici de conserve.

Permettez-moi, et ce sera ma conclusion, dessayer de dire limpression que me donnent les romans de Stendhal.

Eh bien ! malgrй lhйcatombe du dernier acte, on ne ressent pas, а la lecture de ses romans, un sentiment dabattement ou de dйsespoir. Cest encore une singularitй de cet йcrivain singulier.

Et pourtant !

Les personnages de Stendhal, je lai dйjа soulignй, meurent en pleine jeunesse et souvent de mort violente. Julien sur lйchafaud, Fabrice dans une chartreuse, Lamiel en prison, Octave de sa propre main au lendemain de sa nuit de noces et, dans Les Chroniques italiennes, suivant la rйflexion de lauteur, "le hйros finit ordinairement par кtre dйcapitй".

Leurs amours sont presque toujours malheureuses ou se heurtent а des obstacles meurtriers. Julien est exйcutй pour avoir tirй а coups de revolver sur celle quil aime, Clйlia est contrainte par les conventions sociales dйpouser un homme quelle naime pas. Follement amoureux et follement aimй Octave est impuissant а consommer son mariage. Lamiel la rйvoltйe trouve la mort dans un incendie avec le compagnon daventure quelle sest choisi, bandit de grand chemin. Dans Le Rouge et le Noir et La Chartreuse de Parme, comme dans Les Chroniques italiennes, la prison et cet autre espace clos quest le couvent jouent un rфle essentiel.

Voilа bien une йtrange prйdilection, dira-t-on, chez un йcrivain, qui affiche son goыt pour la chasse au bonheur.

Mкme sil choisit comme hйros des кtres dexception dans des situations elles-mкmes exceptionnelles - il nest pas donnй а tout le monde heureusement de finir sur lйchafaud -, la vie est suffisamment tissйe de drames quotidiens pour justifier sa dйmarche. Dautant plus que, quelque belle que soit la comйdie le dernier acte est toujours sanglant, comme le note Pascal. Il ny a donc pas chez Stendhal un parti pris de noircir la vie mais la volontй den montrer le caractиre dramatique en partant de faits rйels.

Cest lа quintervient ce que lon pourrait appeler la grвce de lalchimie stendhalienne, la tragйdie reste optimiste а cause sans doute de ce quelle recиle de confiance en lhomme.

On regrette la mort de ces hйros rкveurs, tendres et violents, mais on est heureux de les avoir connus. Les prudents ont durй, les passionnйs ont vйcu, remarquait un moraliste du XVIIIe siиcle. Julien, Fabrice, Lucien, chacun dans son registre particulier, ont eu une vie brиve mais pleine, ardente, gйnйreuse et, au-delа des diffйrences de situation, ils ont en commun de pouvoir se dire au moment du bilan quils nont pas а avoir honte deux-mкmes. Si on sen tient aux normes de la rйussite banale, ils ont connu lйchec - Julien ne sera quun instant comte de la Vernaye, Fabrice ne deviendra pas un haut dignitaire de lEglise et Lucien ne succйdera pas а son pиre, banquier puissant -, mais les compromissions de la sociйtй nauront pas de prise sur eux. Ils resteront intacts, libres de toute ambition subalterne.

Dans les circonstances les plus tragiques, ils йchappent au dйsespoir par leur curiositй de la vie, la violence de leur passion, leur amour du beau et cette aptitude au bonheur qui est une forme de lйnergie vitale mais qui a naturellement pour revers une йgale vulnйrabilitй а la souffrance. Ainsi chez Stendhal mкme la souffrance est-elle tonique. Elle est un moment de la vie, mais non pas sa condamnation. Elle est souvent en amour la ranзon inйvitable du bonheur.

Andrй Gide remarquait quil ne suffit pas de bons sentiments pour faire de la bonne littйrature. En quoi, sil avait en vue la littйrature йdifiante, il avait parfaitement et totalement raison. Stendhal semble pourtant lui donner tort car ses hйros sont habitйs par les bons sentiments.

A condition de sentendre sur la signification du mot et de navoir pas peur de ceux par qui le scandale arrive, les critиres stendhaliens risquant en effet de choquer quelque peu les amateurs de vertus ordinaires. comme nous en prйvient ironiquement lauteur, dans lavertissement de La Chartreuse de Parme : "Javouerai que jai la hardiesse de laisser aux personnages les aspйritйs de leurs caractиres; mais en revanche, je le dйclare hautement, je dйverse le blвme le plus moral sur beaucoup de leurs actions ... Cette histoire nest rien moins que morale et maintenant que vous vous piquez de puretй йvangйlique en France, elle peut vous procurer le renom dassassin."

Souvenons-nous. Par amour dune belle duchesse et de la Rйpublique, un poиte carbonaro tue le prince de Parme. Un plйbйien rйvoltй abandonne sa femme et blesse sa maоtresse а coups de revolver. Un Premier ministre conspire contre son roi pour plaire а celle quil aime. Un jeune prкtre simoniaque commet le pйchй de chair avec une marquise mal mariйe. Une patricienne romaine devient meurtriиre de son pиre qui a abusй delle. Sans faillir apparemment а lhonneur, le fils dun banquier exйcute les basses besognes dun ministre de Louis-Philippe. Pour ne rien dire de la duchesse de La Chartreuse, un peu incestueuse, et de labbesse de Castro un tout petit peu enceinte.

On pourrait croire quil sagit des vagabondages dune imagination dйpravйe si le romancier navait pas empruntй ses sujets а la Chronique historique ou а la Gazette des tribunaux. Quoi quil en soit, il y a lа, reconnaissons-le, de quoi soulever dune juste indignation les prкtres de la morale traditionnelle.

Pourtant nous sommes а lopposй du roman noir.

En fait, ces personnages apparemment scandaleux sont des femmes et des hommes dhonneur et la bassesse leur est йtrangиre. Ils ont lhypocrisie en horreur et sont prкts а sacrifier intйrкt, fortune, ambition а lamitiй, а lamour ou mкme а une certaine idйe quils se font deux-mкmes.

A la fin du Rouge et Noir, quand son confesseur vient demander au hйros de se convertir avec йclat, car ce serait un moyen sыr dobtenir sa grвce, il sattire cette fiиre rйponse du condamnй а mort qui ne veut pas devoir son salut au mensonge : "Et que me restera-t-il, rйpondit froidement Julien, si je me mйprise moi-mкme ? ... Je me ferais fort malheureux si je me livrais а quelque lвchetй."

A Sainte-Beuve, qui estimait que La Chartreuse йtait un livre immoral, on opposera le jugement de ceux qui avec plus de raison croient distinguer dans loeuvre stendhalienne une ligne de partage trиs nette entre le bien et le mal, les hйros se situant du cфtй de la vertu, mкme sil sagit, je lai dйjа notй, dune vertu singuliиre et scandaleuse. Se foutre complиtement de tout, exceptй de sa propre estime. Cette exigence souvent exprimйe par lauteur est perceptible chez tous ses hйros, pour peu quon gratte au-delа de lйpiderme. Cest ainsi que le philosophe Alain remarque: "Comme si dans les trois fameux romans, et partout, le bien et le mal nйtaient pas sйparйs comme le ciel et lenfer, et comme si Julien Sorel nйtait pas au ciel, au lieu que lhypocrite Tambeau est lenfer mкme !"

Encore un trait spйcifique а Stendhal : ce psychologue expert dans lexploration du coeur humain ne craint pas de nous ramener а ce quil considиre comme le choix dйcisif : кtre ou ne pas кtr