Stendhal

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"happy few". Ce qui nempкche pas dans son oeuvre, lйcrivain de prendre parti, et dans Le Rouge et le Noir de tйmoigner pour "cette classe de jeunes gens qui, nйs dans une classe infйrieure et en quelque sorte opprimйe par la pauvretй, ont le bonheur de se procurer une bonne йducation et laudace de se mкler а ce que lorgueil des gens riches appelle la sociйtй".

Mais les "happy few", je lai dйjа notй, ne se recrutent pas seulement dans les couches sociales privilйgiйes ou mкme parmi ceux, comme Julien, qui ont eu "le bonheur de se procurer une bonne йducation". La vйritable noblesse pour Stendhal cest celle du coeur. Quel est, dans sa jeunesse, lhomme pour lequel il йprouve le plus destime ? Cest le valet de chambre de son grand-pиre.

Le Grenoblois qui lui paraоt le plus noble ? Un ancien laquais. Avec qui se lie damitiй le jeune Fabrice au chвteau de Grianta ? Avec les hommes dйcurie. Qui est Ferrante Palla, conspirateur et voleur de grand chemin ? "Lhomme sublime" de La Chartreuse.

Et lorsque Stendhal dйclare abhorrer ce que lon appelle de son temps "la canaille", ce jugement est singuliиrement tempйrй par ladmiration quil йprouve pendant les trois Glorieuses pour le courage et la grandeur du peuple, "hйroпque et plein de la plus noble gйnйrositй aprиs la bataille".

Quelles que soient les diffйrences de gйnie, de tempйrament, de vocation entre le dilettante de la chasse au bonheur et un philosophe comme Karl Marx, on ne peut quкtre frappй - et je lai йtй depuis longtemps - par la similitude de lanalyse de la monarchie de Juillet et que lon retrouve dans le Lucien Leuwen dHenri Beyle, et Les Luttes de classes en France de Karl Marx.

Lhorreur du "vague" chez Stendhal nous vaut une analyse singuliиrement prйcise de la monarchie de Juillet. Lucien Leuwen est une des plus violentes critiques, faite par un romancier, de la sociйtй dominйe par largent.

Il sagit dune sociйtй dйterminйe, dominйe par laristocratie financiиre а une йpoque elle-mкme dйterminйe, celle de Louis-Philippe et de lhйgйmonie de cette fraction de la bourgeoisie franзaise dont parle Marx.

Laffitte cest le banquier Leuwen, pиre du hйros.

Il est admirable que Stendhal, dans un roman, ait йtй amenй а dйcrire avec autant dexactitude la nature et les moyens du pouvoir : а la tкte de lEtat, la Banque, "cette nouvelle noblesse gagnйe en йcrasant ou en escamotant la rйvolution de Juillet". La Banque qui a mis sur le trфne celui que le romancier appelle non pas Robert Macaire, comme Karl Marx, mais ce qui revient au mкme dans son langage codй "le plus fripon des kings".

Les ministres qui acceptent de protйger le fils dun banquier parce quils spйculent а la Bourse, et quun "ministиre ne peut dйfaire la Bourse mais [que] la Bourse peut dйfaire un ministиre". Les prйfets qui fabriquent les йlections sans gloire - facilitйes par le rйgime censitaire - malgrй une distribution judicieuse des pots-de-vin, des dйbits de tabac et des annйes de prison. La police -ou plutфt les polices - dont le souci "est de veiller а ce que trop dintimitй ne sйtablisse entre les soldats et les citoyens" et qui de temps en temps fait assassiner un soldat par des provocateurs vкtus en ouvriers (lincident Kortis qui met en scиne un agent du pouvoir blessй par une sentinelle quil voulait dйsarmer est historique). La religion que le gouvernement des banquiers libres-penseurs autant que celui de la Restauration bien-pensante rйvиre, parce quelle est "le plus ferme appui du gouvernement despotique". Larmйe dont la fonction nest pas de dйfendre la patrie mais de "sabrer les tisserands et pour qui lexpйdition de la rue Transnonain est la bataille de Marengo".

Il ne sagit mкme plus dun coup de pistolet au milieu dun concert mais dun concert de coups de pistolet, dun feu roulant de mousqueterie sur la monarchie de Juillet, ses bailleurs de fonds, ses courtisans et ses policiers.

Alors que va devenir le hйros stendhalien dans ce bourbier ? Comment va-t-il sy prendre pour aller а la chasse au bonheur ?

Prenons lexemple de Lucien Leuwen.

Comme la notй Jean Prйvost, il est nй dun rкve de compensation. Contrairement а Henri Beyle, il a un pиre riche qui laime, le comprend et le soutient. Sa mиre est vivante, et lentoure de sa tendresse. Il est beau, йlйgant, enviй. Les grands de ce monde lui manifestent la considйration due а la richesse de son pиre. Enfin et surtout, il est aimй de Mathilde, ou plutфt de Bathilde, puisque cest le prйnom de Mme de Chasteller, incarnation littйraire du grand amour de Stendhal.

Dиs le dйpart, donc, toutes les conditions paraissent rйunies pour que Lucien ait une vie brillante et heureuse. Mais un lourd handicap pиse sur lui. Atteint de la "maladie du trop raisonner", la sociйtй telle quil la voit narrive pas а lenthousiasmer.

Doщ les йtranges errements de ce fils de grand bourgeois. Dиs la premiиre phrase de son roman, Stendhal nous en donne la clй :

"Lucien Leuwen avait йtй chassй de lEcole Polytechnique pour sкtre allй promenй mal а propos, un jour quil йtait consignй, ainsi que tous ses camarades : cйtait а lйpoque dune des cйlиbres journйes de juin avril ou fйvrier 1832 ou 1834.

"Quelques jeunes gens assez fous, mais douйs dun grand courage, prйtendaient dйtrфner le roi, et lEcole Polytechnique (qui est en possession de dйplaire au maоtre des Tuileries) йtait sйvиrement consignйe dans ses quartiers. Le lendemain de la promenade, Lucien fut renvoyй comme rйpublicain."

La petite "promenade" si discrиtement йvoquйe qua accomplie Lucien, cest celle qui la conduit le 5 juin 1832 aux funйrailles du gйnйral Lamarque. Ancien soldat de la Rйvolution et de lEmpire, volontaire en 1792, le gйnйral Lamarque sest rendu populaire par son opposition aux Bourbons et а Louis-Philippe. Ses obsиques sont loccasion dune vйritable insurrection contre la monarchie de Juillet; elle se termine aprиs quarante-huit heures de violents combats par le massacre des derniers insurgйs au cloоtre Saint-Merri. Nous nen sommes pas loin. On dйnombre quelque huit cents morts et blessйs.

Si les carlistes y participent, le courant rйpublicain est largement dominant. "Lunion se rйalise dans le combat entre les jeunes bourgeois adhйrents aux sociйtйs rйpublicaines et les membres des corporations ouvriиres..."

Cest sur ces barricades que vont mourir Gavroche de Victor Hugo et Michel Chrйtien, le hйros rйpublicain du cloоtre de Saint-Merri, qui a touchй le coeur du monarchiste Balzac.

Lucien Leuwen, lui, nen mourra pas, mais il est renvoyй de lEcole, et sans le salon et largent de son pиre, "jamais [dit-il lui-mкme], je ne me relиverai de la profonde disgrвce oщ nous a jetйs notre rйpublicanisme de lEcole Polytechnique".

A lun de ses amis moins scrupuleux qui linvite а entrer sans plus attendre dans la carriиre, il rйpond : "Tu as cent fois raison ... mais je suis bien а plaindre : jai horreur de cette porte par laquelle il faut passer; il y a sous cette porte trop de fumier."

Comme Stendhal, son hйros est un jacobin qui pense que la Rйvolution franзaise a йtй un jalon dйcisif sur la voie des temps modernes et de la conquкte du bonheur pour les peuples. Il considиre avec un mйpris amusй les nostalgiques de lAncien Rйgime qui gйmissent sur la dйcadence franзaise : "Rien nйtait plus plaisant aux yeux de Lucien, qui croyait que cйtait prйcisйment а compter de 1786 que la France avait commencй а sortir un peu de la barbarie oщ elle est encore а demi plongйe."

Mais la Rйvolution a dйbouchй sur "lEmpire et sa servilitй", et les anciens gйnйraux de Napolйon, si braves hier au combat pour la patrie, se sont mus en courtisans ou en policiers : "Heureux les hйros morts avant 1804 !" Napolйon, au moment de la signature du Concordat, exile un de ses gйnйraux aprиs ce bref dialogue avec lui : "La belle cйrйmonie, Delmas ! cest vraiment superbe, dit lempereur revenant de Notre-Dame. - Oui, gйnйral, il ny manque que les deux millions dhommes qui se sont fait tuer pour renverser ce que vous relevez." Et ce qui a succйdй а lEmpire est plus mйprisable encore. La Restauration avec le retour des йmigrйs dans les fourgons de la Sainte-Alliance, la Terreur blanche, le triomphe de lobscurantisme. Enfin, la monarchie de Juillet, avec Robert Macaire sur le trфne et la Banque qui dispose ses rets, remplit ses coffres et assume le vrai pouvoir.

Nй trop tфt ou trop tard, Lucien Leuwen ne sait oщ porter ses pas : "En vйritй ... Je ne sais ce que je dйsire." Ce qui est sыr, cest quil refuse le nouveau pouvoir oщ il ne voit que mйdiocritй, bassesse, compromission et "presque le crime de lhumanitй envers le petite peuple". Certes, il est tentй par le rкve rйpublicain qui la dйjа conduit, jeune йtudiant, aux obsиques du gйnйral Lamarque. Dans son rйgiment qui "foisonne de dйnonciateurs et despions", son admiration va aux conj