Stendhal

Курсовой проект - Разное

Другие курсовые по предмету Разное

cest de braver lhypocrisie en recherchant des plaisirs cruellement rйprimйs par lInquisition. Le sentiment du danger et celui du pйchй se conjuguent pour augmenter le plaisir.

Stendhal nous rapporte joliment cette anecdote dune princesse italienne du XVIIe siиcle qui "disait en prenant une glace avec dйlices le soir dune journйe fort chaude : quel dommage que ce ne soit pas un pйchй". Ici le risque de la damnation nest pas seulement acceptй, il est souhaitй.

Il est intйressant de comparer la faзon remarquablement pudique dont Stendhal parle de lamour dans ses romans et le ton volontiers direct et mкme cru quil emploie dans ses lettres ou dans son journal. Par exemple : "Quil y a loin de lа aux grandes lettres que jinventais а Vienne en 1809, ayant une vйrole horrible, le soin dun hфpital de quatre mille blessйs ... une maоtresse que jenfilais et une maоtresse que jadorais."

Aussi dans loeuvre romanesque lauteur a-t-il fait un choix esthйtique et moral. A tort ou а raison, mais consciemment, Stendhal a proscrit le langage ordinaire dHenri Beyle. Il refuse par un йvident parti pris de nous parler autrement que par ellipse de cet amour que lon nomme physique, alors que dans ses йcrits intimes il semble au contraire prendre parfois un malin plaisir а scandaliser par son vocabulaire de corps de garde.

En vйritй le ton faussement dйsinvolte de ses lettres ne doit pas faire illusion. Sil use de mots crus et joue les cyniques, cest pour prйserver sa rйputation desprit fort et se protйger contre les railleries de ses amis. Mais il force son talent et, paradoxalement, le vrai Stendhal nest pas celui de la vie courante, le correspondant de Mйrimйe, cest celui de ses romans, pour qui "la pudeur est la mиre de la plus belle passion du coeur humain, lamour", et qui йcrit а la fin de sa vie : "Je ne me souviens, aprиs tant dannйes et dйvйnements, que du sourire de la femme que jaimais."

Cest parce quil se fait une trиs haute idйe de lamour quil a peur de le rabaisser en parlant -mal - de ses manifestations physiques. Non quil en mйconnaisse limportance, mais parce quil apprйhende une maniиre de fiasco littйraire. Nest-ce pas cette crainte quil veut exprimer aussi dans Henri Brulard lorsque revient sous sa plume а plusieurs reprises cette idйe de la difficultй dйcrire : "On gвte des sentiments si tendres а les raconter en dйtail."

Labsence de toute allusion а une technique physique de lamour dans les romans de Stendhal nempкche pas la prйsence dun йrotisme diffus qui se nourrit dun geste, dun regard, dun parfum, de lйclat soudain dun bras nu ou dune йpaule dйcouverte. Cette prйsence secrиte na pas йchappй а Andrй Malraux qui observe а propos de "lindividualisation de lйrotisme" dans une prйface а Lamant de lady Chatterley : "Le livre parfait de la fin du XIX" siиcle, en ce domaine, eыt йtй un supplйment au Rouge et Noir oщ Stendhal nous eыt dit comment Julien couchait avec Mme de Rйnal et Mathilde de La Mole, et la diffйrence des plaisirs quils y prenaient tous les trois."

Lйrotisme naоt moins de la prйcision de la description que du choix de quelques dйtails significatifs et surtout de latmosphиre crййe par le romancier. Il suggиre par exemple que Mme de Rйnal est frigide avant de connaоtre Julien. Mariйe а seize ans, elle "navait de sa vie йprouvй ni vu rien qui ressemblвt le moins du monde а lamour ... Ce nйtait guиre que son confesseur qui lui avait parlй de lamour, а propos des poursuites de M. Valenod et il lui en avait fait une image si dйgoыtante que ce mot ne lui reprйsentait que lidйe du libertinage le plus abject". Aprиs la premiиre nuit passйe avec Julien, cest la rйvйlation soudaine, fulgurante : "Quand il restait а Mme de Rйnal assez de sang-froid pour rйflйchir, elle ne revenait pas de son йtonnement quun tel bonheur existвt et que jamais elle ne sen fыt doutйe."

Pourtant dans ce domaine, Stendhal naccentue pas le trait.

Par exemple la scиne fameuse oщ, sous le tilleul, Julien entreprend un soir pour la premiиre fois sa tentative de sйduction est un chef-doeuvre de sensualitй diffuse, bien que le seul objectif de lassaut soit de prendre dans lobscuritй la main de Mme de Rйnal et de la garder. Mais lйmotion vient de lacuitй du danger et de limportance de lenjeu : "Au moment prйcis oщ dix heures sonneront, jexйcuterai ce que pendant toute la journйe je me suis promis de faire ce soir, ou je monterai chez moi me brыler la cervelle."

Alors que Mme de Rйnal est tout de suite prise par sa passion sans arriиre-pensйe, sinon sans jalousie et sans remords, alors quelle se donne totalement, corps et вme, et quelle y trouve un bonheur dont elle navait jamais rкvй, а tel point quil lui arrive de dйsarmer la terrible mйfiance de Julien, il nen va pas de mкme avec laltiиre Mathilde, dont lorgueil livre un combat de chaque instant avec lamour.

Il sagit davantage chez elle dun amour de tкte, et lorsquelle invite Julien а monter dans sa chambre par lйchelle du jardinier, cest une йpreuve quelle lui inflige pour mesurer sa force de caractиre - elle a dйcidй que sil ose arriver jusquа elle au pйril de sa vie elle se donnerait а lui -, mais en tenant parole elle croit accomplir un devoir, et le plaisir nest pas а ce rendez-vous glacй : "Cйtait а faire prendre lamour en haine."

Bien que Stendhal, une fois de plus, soit trиs discret sur le comportement des amants au cours de cette nuit ("Mathilde finit pas кtre pour [Julien] une maоtresse aimable"), il prйcise qu"a la vйritй ces transports йtaient un peu voulus", suggйrant quelle reste froide et quelle aussi йtait probablement frigide. Ce qui conduit Julien а sinterroger sur cette attitude et а la comparer avec celle de Mme de Rйnal : "Aucun regret, aucun reproche ne vinrent gвter cette nuit qui semble singuliиre plutфt quheureuse а Julien. Quelle diffйrence, grand Dieu ! avec son dernier sйjour de vingt-quatre heures а Verriиres ! Les belles faзons de Paris ont trouvй le secret de tout gвter, mкme lamour, se disait-il dans son injustice extrкme." Quant а Mathilde, la premiиre exaltation passйe, elle tombe dans la plus extrкme dйception. "Il ny eut rien dimprйvu pour elle dans tous les йvйnements de la nuit, que le malheur et la honte quelle avait trouvйs au lieu de cette entiиre fйlicitй dont parlent les romans."

Cest dans cette insatisfaction du corps et de lesprit quil faut rechercher la raison des volte-face de Matilde, au cours des jours suivants, de son dйsarroi et de ses fureurs, de cette imagination renversйe qui opиre comme une "cristallisation" а rebours et qui ne voit quobjet de mйpris lа oщ elle dйcouvrait la veille de suprкmes mйrites. A quoi sajoute son orgueil de classe un moment oubliй : elle a honte de sкtre livrйe au "premier venu а un petit abbй, fils dun paysan". Doщ la tendre et cruelle guerre que se mиnent les deux amants, le terrible dйsespoir de Julien ("Un des moments les plus pйnibles de sa vie йtait celui oщ chaque matin, en sйveillant, il apprenait son malheur") - il pense mкme а se donner la mort - les rйconciliations suivies de nouvelles tempкtes, comme cette nuit oщ il prend lйchelle pour monter jusquа sa fenкtre et se jeter dans sa chambre : "Cest donc toi, dit-elle en se prйcipitant dans ses bras ..." Toujours fidиle а son parti pris de discrйtion dans ces circonstances, Stendhal fait suivre cette phrase dune ligne de points de suspension et se borne а remarquer : "Qui pourra dйcrire lexcиs du bonheur de Julien ? Celui de Mathilde fut presque йgal." Presque. Encore une de ces notations brиves qui contribuent а expliquer le comportement du personnage. Car Mathilde se dйrobe а nouveau, jusquau jour oщ la jalousie lui fait prendre conscience de la rйalitй de sa passion et la ramиne а son amant devant qui elle tombe йvanouie : "La voilа donc, cette orgueilleuse, а mes pieds se dit Julien."

Dans La Chartreuse de Parme il ny a pas de rиglement de compte de cette nature entre Fabrice et Clйlia - car lun et lautre appartiennent а la mкme classe -, mais on retrouve dans la peinture de leurs amours la mкme extrкme pudeur. Quand Clйlia, folle dinquiйtude, voit dans sa prison Fabrice, quon se prйpare - elle le sait - а empoisonner, et quelle se donne а lui pour la premiиre fois, Stendhal se borne а dйcrire la scиne en ces termes : "Elle йtait si belle, а demi vкtue, et dans cet йtat dextrкme passion, que Fabrice ne put rйsister а un mouvement presque involontaire. Aucune rйsistance ne lui fut opposйe." Discret et complice, le romancier sefface devant ces moments de bonheur fou.

Comme il sefface vers la fin du roman lorsque Fabrice, aprиs avoir йtй si longtemps et si cruellement sйparй de celle quil aime - elle a йtй contrainte dйpouser le marquis Crescenzi -, reзoit un jour un billet de Clйlia lui donnant rendez-vous а minuit devant une por